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RNT : quelle vision stratégique ?

Rédigé par Mathieu Quétel le Jeudi 12 Novembre 2015 à 08:30 | modifié le Jeudi 12 Novembre 2015 à 14:16




Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) a publié sur son site internet, mardi 10 novembre, en fin de journée, la synthèse de sa "consultation publique en vue des choix des zones de déploiement à venir de la radio numérique terrestre (RNT) et préalable au lancement d’appels aux candidatures locaux sur le territoire métropolitain" lancée le 10 juin et dont le délai de réponse était fixé au 17 juillet. Un document qui manque cruellement de vision stratégique et de perspectives pour la RNT.


Sobrement datée "octobre 2015", cette synthèse a été adoptée en plénière du Conseil le 22 octobre pour n’être publiée que le 10 novembre. Cette cadence, presque infernale, s’affiche comme le symbole du dossier RNT qui semble continuer de s’enliser.

Mathieu Quétel © Tristan Paviot
Mathieu Quétel © Tristan Paviot

Aucune annonce ni perspective concrètes

On s’attendait à une mise en perspective de décisions, à quelques annonces concrètes, au moins en marge de la publication du document. Rien de tel. Une publication en presque catimini, d’une synthèse pourtant riche des contributions de 80 éditeurs, 12 organisations professionnelles, 4 diffuseurs et opérateurs de multiplex, des industriels, des nouveaux projets et même 8 particuliers.
Le CSA se contente de relever "que les positions de la plupart des acteurs n’ont pas été modifiées depuis la dernière consultation publique portant sur la RNT" en soulignant "le cas du Bureau de la Radio, dont la contribution ne suit pas les questions posées par le Conseil mais rappelle l’opposition des radios membres de cette organisation à la RNT en l’absence de modèle économique".


Il relève également les positions toujours favorables du Sirti, du SNRL et de la CNRA, même si elles sont assorties "de réserves liées au financement des radios associatives ou au rythme et à l’ampleur de la poursuite du déploiement de la RNT".
La synthèse note toutefois que "l’éventualité d’un appel aux candidatures national n’a pas emporté un changement de la position du Bureau de la Radio sur l’intérêt du déploiement de la RNT" et que "Radio France a quant à elle indiqué que l’intérêt de ce type de ressource serait subordonné à la possibilité de réaliser des décrochages".

L’enjeu : créer un cercle vertueux pour la RNT

Des positions qui devraient donc amener le Conseil à compléter sa copie en ce qui concerne les allotissements locaux comme l’y invitent le Sirti et le collectif Radios d’en Nord. Néanmoins les différents acteurs appellent également le CSA à se montrer attentif aux capacités des éditeurs et différents acteurs dans le respect des dates de démarrage effectif des émissions. Un sujet crucial puisque le succès de la RNT reposera en grande partie sur la capacité des uns et des autres à susciter un cercle vertueux.
Sur la dynamique à mettre en place c’est le CSA qui se trouve en première ligne. Les contributeurs l’exhortent d’ailleurs à prendre un "engagement ferme à respecter les échéances annoncées". Ce qui semble mal parti puisque celui-ci publie dans sa synthèse le calendrier prévisionnel qu’il avait lui-même fixé avec une finalisation et adoption de la synthèse de la consultation publique en juillet 2015, suivie d’un appel aux candidatures en septembre 2015 pour un démarrage des émissions au quatrième trimestre 2016.

Quel avenir pour les radios indépendantes et associatives ?

Ce rythme ne sera pas tenu et s’éloigne un peu plus chaque jour puisque le CSA semble prendre son temps dans l’annonce d’un appel aux candidatures. C’est précisément ce qui étonne dans la publication de cette synthèse, quatre mois après la clôture des contributions. Elle n’est assortie d’aucune perspective et d’aucune annonce, un peu comme s’il était encore urgent d’attendre.
Une posture incompréhensible face au tourbillon qui semble s’être emparé du paysage audiovisuel ces derniers mois avec la multiplication des opérations de concentration ou les annonces de nouveaux entrants. Des rapprochements sont vraisemblablement encore en cours de négociation, ils façonneront un peu plus le paysage autour de grands acteurs et la question de la place et de l’avenir des TPE et des PME ainsi que des radios associatives devra être posée.

De lourds investissements à consentir pour les PME

Dans un paysage audiovisuel déjà en pleine mutation numérique, confronté en outre à un phénomène de concentration sans précédent, la radio numérique terrestre pouvait apparaître pour les éditeurs indépendants comme un véritable relai de croissance.
Les investissements qui devront être consentis, dans un contexte où les indépendants de la radio ne se voient pas vraiment renforcés dans leur cœur de business à l’aune des dernières attributions de fréquences en FM analogique, pourrait faire légitimement douter certains de l’opportunité de se lancer à l’assaut de ce nouveau front.
Dans le même temps, ils vont en effet être contraints d’investir plus et mieux l’IP et d’envisager une véritable recherche d’audience dédiée qu’ils devront nécessairement monétiser. En outre, le manque de développement de certains d’entre eux dans le paysage de la FM analogique peut les inciter à envisager le rachat d’autres radios. Certes le contexte est à une sous-valorisation des actifs, mais les moyens financiers des PME ne sont pas ceux des multinationales qui sont aujourd’hui leurs concurrentes. Des choix devront donc s’opérer. Sans perspective sérieuse de réussite, quelle priorité serait alors donnée à la RNT par ses seuls promoteurs d’aujourd’hui ?
À force de ne pas adopter une position claire, le CSA se trouve confronté à l’évolution du paysage qu’il a pourtant la mission de réguler. Les opérateurs les moins puissants sont affaiblis par les récentes manœuvres de rapprochements des grands acteurs. Paradoxalement, ils n’ont pas été renforcés en FM analogique, ce qui les prive potentiellement de la taille critique nécessaire pour assumer les investissements qui devront être mobilisés dans les prochains mois.

Le CSA n’a certes pas été aidé par le positionnement flou du gouvernement vis à vis de la RNT, ni par les atermoiements du service public de la radio. L’évolution structurelle du paysage audiovisuel, les nouveaux acteurs qui ont surgi en quelques mois en prenant le contrôle des tuyaux et des programmes ne vont pas militer pour le lancement d’un paysage numérique hertzien de la radio. S’il doit se construire, celui-ci ne pourra exister que grâce aux éditeurs indépendants. Encore faut-il que ces derniers puissent, dans un premier temps, se renforcer dans le paysage FM analogique.
Il est temps de poser un calendrier ambitieux, rythmé et qui intègre une mobilisation publique déterminée à faire réussir, enfin, la RNT. Le CSA dispose de toutes les cartes, à lui de les abattre.

Mathieu Quétel
Président de Sountsou - Affaires Publiques



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